Deuxièmement:

  Après avoir vécu différentes situations, je me  suis proposé au diocèse d'Amiens qui m'a  appelé au sacerdoce le 26 juin 1988.
  Si le berger veille sur le troupeau pour le  protéger, le conduire régulièrement vers des  pâturages aux herbes abondantes et savou-  reuses, le prêtre doit essayer d'indiquer le  chemin menant l'humanité à la félicité.
  Mais comment guider, lorsque soi-même on  cherche, doute et remet en cause certains  acquis ?
  Que dire encore lorsque l'on doit perpétrer  des rites avec des signes qui sont très  souvent démunis de tout contenu et peuvent  devenir ainsi contre témoignages ?
  Que penser lorsque dans nos églises, des  fidèles et responsables sont assez préoccupés par la défense de traditions, d'un droit  canon ou d'une théologie fluctuante au grès des besoins, de justifications pour ce que  nous ne pouvons que faire ou accepter ?
  Que conclure lorsque nos églises bénissent  des êtres ou des matériels pour tuer ses  semblables alors que des gestes bienveillants  restent timides pour d'autres qui s'aiment ?   Dans un monde où l'on croit en Dieu mais de  moins en moins dans ces églises institutions,  il est temps pour les disciples de Jésus de  dire ce qu'Il disait à cette femme qui ne savait plus ce qu'il fallait croire: " Femme l'heure  vient et nous y sommes où les véritables  adorateurs adoreront Dieu ni dans le temple ni  sur cette montagne, mais en esprit et en  vérité. Tels sont les adorateurs que mon Père  recherche"  Jean 4,22

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Comment concilier la figure de Jean et la figure  de Pierre sinon en suivant l'exemple de Paul ?
Il est le Prophète et il est le Fondateur.
Il suit le chemin  où I'appelle I'Esprit mais il ne fait rien sans se référer à Pierre.
II fait éclater les frontières et bouleverse les habitudes mais il sait organiser les communautés, conseiller la prudence et hiérarchiser les charismes.
Puisses-tu, Jean-Pierre, nourrir ton sacerdoce à ces trois sources. Le Christ va te confier ce ministère presbytéral. Le Prêtre n'est pas I'Église à lui seul mais sans lui il n'y a pas d'Église. Chaque jour ta mission propre sera de permettre à tout le peuple de Dieu de devenir de mieux en mieux ce que le Christ attend de lui. Chaque jour ta mission sera de rappeler à toute l'Église qu'elle n'est ce qu’elle est,  qu'elle ne fait ce qu'elle fait que par I'initiative de Dieu qui la forme et l'envoie. Chaque jour ta mission sera de nous aider tous à répondre à notre mission.
Alors, Jean-Pierre, avant de te confier cette part du sacerdoce que nous avons nous-mêmes reçu, je veux te dire ma joie et mon action de grâces.
Il y a six mois, je recevais ici-même I'ordination épiscopale. C'est une grâce à laquelle je suis sensible de pouvoir aussi vite recevoir et consacrer le fruit du travail que I'‘Esprit saint opère depuis longtemps dans ce diocèse. Tous tes amis le savent. Tous les chrétiens et les prêtres qui t'entourent aujourd'hui en témoignent. Avec Marie, en cette année qui lui est consacrée, en cette cathédrale Notre Dame, avec l'Église d'Amiens d'hier et d'aujourd'hui, je veux porter au ciel notre Magnificat.

 

Ce jour de ton ordination, Jean-Pierre, est entouré par deux fêtes importantes: vendredi dernier, c'était la St Jean. Mercredi prochain ce sera la fête de Pierre et Paul.

Ton propre nom évoque la synthèse de Jean le Baptiste et de Pierre l'Apôtre.
J'aimerais que ton sacerdoce soit au service d'une Église qui allie le Prophétisme de Jean et la solidité de Pierre.
Le Fils de Dieu s'est glissé dans notre histoire, il y a 20 siècles. Mais la rencontre de Dieu et des hommes à travers Jésus-Christ n'est pas achevée.
II faut aujourd’hui comme hier des "Jean-Baptiste" pour préparer le chemin qui permettront le rendez-vous de Dieu et des hommes.
II en faut pour dénoncer les pièges où les hommes de notre temps se laissent enfermer.
Il en faut pour inviter tous les hommes à entrer dans la voie de la conversion.
Il en faut pour montrer aux hommes le Dieu présent dans la discrétion et l'anonymat de l'inconnu qui passe.
Il en faut pour savoir s'effacer humblement devant le Christ qui parle.
Mais en même temps il faut à l’Église d’aujourd’hui la solidité de Pierre. C’est sur cette " pierre" qu’est bâtie l'Église de toujours.
Il nous faut aujourd'hui comme toujours, la force, la vigueur humaine, la spontanéité généreuse, le courage entreprenant, l'attachement fidèle, la foi lucide de Pierre.
Il nous faut aussi l'humilité de Pierre acceptant  d'être remis à sa place par Jésus lui-même car nos projets ne sont pas forcements ceux de Dieu, car notre générosité peut se mettre au travers du plan de Dieu et devenir instrument de Satan, car notre propre force peut devenir suffisance illusoire et s'effondrer avant le lever du jour, car notre sens de la prudence peut devenir lâcheté et étouffer les prophètes.
Il nous faut aussi et surtout la conscience de ne rien posséder en propre mais savoir tout recevoir de la grâce de Dieu.
Tout est grâce: la grâce de la prière quand Jésus révèle à nos yeux sa dignité de Fils de Dieu et nous partage ses joies et ses angoisses.
La grâce de la responsabilité et le pouvoir d'ouvrir ou de fermer.
La grâce de baptiser ceux que l'Esprit renouvelle.
La grâce de fonder l'Église au cœur des réalités humaines.
La grâce de maintenir dans  l’unité l’Église riche de toute variété de ses différences.
La grâce de témoigner par les chaînes et la croix la profondeur de sa foi.

Homélie du Père Jacques NOYER, évêque d'Amiens,
le jour de mon ordination sacerdotale. 28 juin 1988

Image faîte par
Michel Ciry, peintre-graveur
présent à mon ordination