Concile Vatican II - Lumen gentium
Pourquoi, dans la Constitution sur l’Église “Lumen Gentium”,
 le Peuple de Dieu est-il placé avant l’organisation hiérarchique de l’Église ?

 

 

Une rélexion par le Père Maurice FOURMOND du 4 février 2013

 

 
La question posée comme titre à notre entretien est capitale. Elle l’est d’autant plus que le schéma préliminaire était inverse et avait été rejeté par les Pères conciliaires. Voici ce qui a été écrit sur l’histoire de cette constitution :
Le texte définitif de la Constitution dogmatique sur l’Eglise est le fruit d’un long processus de maturation préparé d’une certaine façon depuis Vatican I, inachevé à cause de la guerre de 1870 et largement retravaillé durant les années 1962-1964.
Le schéma « De Ecclesia » de la Commission préparatoire renvoyait au schéma II « De Ecclesia » de Vatican I. Vatican I s’était limité à traiter de la primauté et de l’infaillibilité pontificale dans la première constitution dogmatique sur l’Eglise Pastor Aeternus (1870). Le schéma se présente encore dans une perspective juridique (Eglise comprise à partir de sa constitution hiérarchique), selon les catégories de la théologie pré-conciliaire des manuels (théologie enseignés aux futurs prêtres, héritée de la théologie de la Contre-Réforme catholique). L’Eglise est une société visible, hiérarchique, pyramidale, monarchique. Dès la première session, le texte est largement critiqué. Le cardinal de Smedt dénonçait le triomphalisme, le cléricalisme et le juridisme d’un tel texte. Le cardinal Frings s’interrogeait sur la catholicité même du schéma, au sens où pour lui, il ne tenait guère compte de l’étendue et du souffle de la tradition de l’Eglise, celle de l’Orient comme celle de l’Occident. Pour lui, comme pour de Smedt, comme pour les autres adversaires du schéma, celui-ci se focalisait trop sur la question de l’autorité dans l’Eglise. Il reprenait les thèmes des manuels utilisés dans les séminaires au XVIème siècle, où l’accent était mis sur le caractère monarchique de l’autorité papale, avec l’exclusion de presque toute autre autorité (le pouvoir vient d’en haut). Par ailleurs, l’Eglise catholique romaine était la seule véritable Eglise, toutes les autres étaient hérétiques ou schismatiques.
Devant les objections au schéma, le pape Jean XXIII demande l’élaboration d’un tout nouveau schéma. Parmi les cinq propositions, on choisit le «schéma Philips» (Mgr Gérard Philips, théologien de Louvain qui deviendra le rédacteur principal).  Initialement appelé schéma « De Ecclesia », ce schéma été sensiblement modifié au cours des séances conciliaires suivantes. La Constitution dogmatique sur l’Église fut votée définitivement par 2.151 voix contre 5 et promulguée le 21 novembre 1964. Les quatre premiers chapitres (sur huit) sont les suivants :
1. Le mystère de l’Eglise
2. Le peuple de Dieu.
3. La constitution hiérarchique de l’Eglise et spécialement l’épiscopat.
4. Les laïcs.
 
1- Une première réponse.
On peut déjà donner une réponse à la question posée : si les Pères conciliaires ont placé le Peuple de Dieu avant la constitution hiérarchique de l’Église, c’est afin de rappeler aux chrétiens que notre Église n’est pas d’abord ni surtout une organisation, mais un peuple de croyants et cela change radicalement le regard que l’on porte sur l’Église. Ce n’est pas affirmer que l’organisation soit secondaire. En effet tout groupe qui se donne une mission d’annoncer à d’autres ce qui les fait vivre et qui entend continuer cette mission dans le temps, doit se doter d’une organisation même légère. L’organisation n’est donc pas secondaire, mais seconde par rapport à la définition du groupe. Il faut bien reconnaître que, pendant des siècles, l’organisation a été considérée non pas comme un service mais comme ayant une raison en soi, comme étant non seulement incorporée à la définition de l’Église, mais comme en étant l’essentiel. Le Concile a renversé  l’ordre des choses ou plus exactement à permis de retrouver la véritable place de l’organisation qui n’est pas une fin en soi mais un service qui devra ou devrait s’adapter selon les besoin du corps tout entier, de ce Peuple de Dieu qui est l’essentiel de l’Église.
Cette adaptation de l’organisation est conditionnée par plusieurs raisons : bien sûr les besoins spirituels du peuple de Dieu, mais aussi l’évolution du monde qui touche la manière pour l’Église de remplir sa mission. C’est toute la question et de la fidélité à la Parole de Dieu et de la crédibilité de la parole annoncée.
Toutefois il convient de voir ce que le Concile a tiré comme conséquences de ce changement essentiel. Même si dans ce qui suit se mêlent des considérations personnelles, et je vous demande de m’en excuser, je pense exprimer l’esprit du Concile qui n’est nullement un point final, mais qui doit se développer selon les circonstances de la vie du monde.
 
2- Un changement radical.
Les conséquences de ce changement de perspective sur l’Église sont multiples. Déjà, on passe d’une Église pyramidale à une Église horizontale. L’Église n’est plus une pyramide avec à son sommet le Pape, en dessous les évêques, puis les prêtres, les religieux et enfin les fidèles. L’Église est décrite un peu comme une circonférence à l’intérieur de laquelle se tient le Peuple de Dieu avec au sein de ce peuple des fonctions particulières pour le service de tout le peuple chrétien. C’est le baptême qui est le critère premier de l’organisation de l’Église même si le sacrement de l’Ordre attribue des fonctions particulières à l’intérieur du Corps du Christ.
Un autre aspect concerne l’autorité. Sans enlever bien sûr l’autorité au Pape et aux évêques, cette autorité n’est pas première, elle est seconde par rapport au Christ, à la Parole de Dieu, à l’action de l’Esprit Saint. Cela peut paraître évident sauf que l’histoire montre que les papes et les évêques se sont souvent identifiés au Christ lui-même s’arrogeant l’autorité du Seigneur. 
Un troisième aspect du changement opéré par les Pères conciliaires concerne la place des laïcs dans l’Église. Ils ne sont plus considérés comme des mineurs n’ayant pas autre chose à faire que d’obéir aux responsables ordonnés. Or la constitution rappelle que tous les baptisés participent au sacerdoce commun avec le Christ ainsi qu’à sa fonction royale et prophétique.
Je voudrais reprendre brièvement ces trois changements fondamentaux pour la vie de l’Église.
 
a) Par rapport à la hiérarchie dans l’Église, le chapitre deux de la Constitution commence par citer la première lettre de Pierre selon laquelle le nouveau Peuple de Dieu est «la race choisie, le sacerdoce royal, la nation sainte, le peuple qui appartient à Dieu ; vous êtes donc chargés d'annoncer les merveilles de celui qui vous a appelés des ténèbres à son admirable lumière» 1 Pi 2, 9». Quelques lignes plus loin il est dit :«Ce peuple messianique a pour chef le Christ... Le statut de ce peuple, c’est la dignité et la liberté des fils de Dieu, dans le cœur de qui, comme dans un temple, habite l’Esprit Saint. Sa loi, c’est le commandement nouveau d’aimer comme le Christ lui-même nous a aimés (cf. Jn 13, 34)». Ainsi, le statut de ce peuple souligne la dignité et la liberté des fils de Dieu, ce qui signifie qu’il n’y a pas de «supériorité» entre tous les enfants de Dieu, nous sommes tous à égalité devant Dieu même si certains ont des fonctions particulières au sein de ce peuple.
À propos du sacerdoce au paragraphe suivant le texte dit : « Le sacerdoce commun des fidèles et le sacerdoce ministériel ou hiérarchique, qui ont entre eux une différence essentielle et non seulement de degré, sont cependant ordonnés l’un à l’autre : l’un et l’autre, en effet, chacun selon son mode propre, participent de l’unique sacerdoce du Christ». On ne peut pas mieux dire que le sacerdoce ministériel bien que différent essentiellement du sacerdoce commun, participe avec le sacerdoce commun des laïcs, au même sacerdoce. Il convient donc de renoncer à une vision pyramidale de l’Église pour y voir un seul Peuple au sein duquel des ministères différents sont donnés, la différence n’étant pas seulement de degré comme dit le Concile mais dans leur modalité essentielle.
Enfin s’il en était besoin, la Constitution rappelle que l’Esprit Saint donne à tout le Peuple de Dieu les grâces nécessaires pour le développement de l’Église : « Mais le même Esprit Saint ne se borne pas à sanctifier le Peuple de Dieu par les sacrements et les ministères, à le conduire et à lui donner l’ornement des vertus, il distribue aussi parmi les fidèles de tous ordres, « répartissant ses dons à son gré en chacun » (1 Co 12, 11), les grâces spéciales qui rendent apte et disponible pour assumer les diverses charges et offices utiles au renouvellement et au développement de l’Église» §12.
 
b) L’autorité dans l’Église
Le chapitre trois de la Constitution commence par ces mots : «Le Christ Seigneur, pour assurer au Peuple de Dieu des pasteurs et les moyens de sa croissance, a institué dans son Église divers ministères qui tendent au bien de tout le corps» §18. Certes certaines expressions de la Constitution sont ambigües comme par exemple ce qui est dit au § 20 à propos des évêques : «ils président à la place de Dieu le troupeau dont ils sont les pasteurs». Les pasteurs que ce soient le pape, les évêques ou les prêtres ne président pas «à la place de Dieu», ils président une assemblée qui reçoit, non du ministre mais de l’Esprit Saint par la médiation du ministre, ce qui est nécessaire pour le développement du Peuple tout entier. C’est précisément ce que je dénonçait tout à l’heure que nous ministres, nous prenons parfois la place de Dieu alors que ne sommes que des moyens par lesquels l’Esprit Saint va soutenir les membres du Christ. L’expression utilisée à propos du prêtre qui présiderait l’eucharistie «in persona Christi» est ambigüe. Il ne prend pas la place du Christ, mais il est, au nom de l’assemblée, l’instrument à travers lequel l’Esprit Saint accomplit le mystère d’une présence divine.
Un autre aspect significatif du changement de l’autorité dans l’Église c’est la collégialité. Avant le Concile, l’autorité était «monarchique» c’est-à-dire que tous les pouvoirs étaient réunis dans les seules mains du pape. Le § 22 parle du Collège des évêques dont le pouvoir s’exerce particulièrement dans un Concile oecuménique : «Le pouvoir suprême dont jouit ce collège à l’égard de l’Église universelle s’exerce solennellement dans le Concile œcuménique... confirmé ou du moins accepté par le successeur de Pierre». Nous savons que cette collégialité épiscopale s’exerce également dans les divers «Synodes». Le Synode des évêques a été institué par Paul VI en 1965 à l'issue du concile Vatican II. Il reste qu’actuellement l’autorité du Pape est encore considéré comme la source première dans notre Église.

 

Enfin le Concile souligne cette autorité dans l’Église qui se nomme le «sens de la foi des fidèles». La constitution au § 12 dit : « La collectivité des fidèles, ayant l’onction qui vient du Saint (cf. 1 Jn 2, 20.27), ne peut se tromper dans la foi ; ce don particulier qu’elle possède, elle le manifeste moyennant le sens surnaturel de foi qui est celui du peuple tout entier, lorsque, « des évêques jusqu’aux derniers des fidèles laïcs», elle apporte aux vérités concernant la foi et les mœurs un consentement universel».
 
c) La place des laïcs
Le § précédent montrait déjà l’importance des laïcs dans la vie de leur Église. Cette place est rappelée par l’apôtre Paul reprenant l’allégorie du corps dans sa lettre aux Romains : « Car, de même qu’en un seul corps nous avons plusieurs membres et que tous les membres n’ont pas tous même fonction, ainsi, à plusieurs, nous sommes un seul corps dans le Christ, étant chacun pour sa part, membres les uns des autres » (Rm 12, 4-5). C’est la conséquence d’une nouvelle conception de la structure de l’Église. Nous le développerons dans le § suivant sur le corps du Christ.
La Constitution parle également de la place des laïcs dans cette triple fonction rappelée au baptême : en étant associés au Christ comme roi, prêtre et prophète. Comme roi dans le service des hommes à travers leurs responsabilités familiale, sociale et politique. Comme prophète dans la recherche de la vérité et le témoignage que cette quête comporte. Comme prêtre par l’offrande du monde dans la célébration de l’eucharistie. Nous savons que la participation des laïcs à l’eucharistie n’est nullement seconde. Nous avons changé radicalement notre vocabulaire : nous ne disons plus que le prêtre célèbre l’eucharistie, nous disons que c’est toute l’assemblée qui célèbre l’eucharistie, le prêtre étant celui qui préside l’eucharistie. Changement non de vocabulaire mais profondément théologique.
Dans toutes ces tâches, sans bien sûr oublier l’obéissance due aux pasteurs de la communauté, les laïcs jouent un rôle essentiel. La Constitution ajoute : «Les pasteurs, de leur côté, doivent reconnaître et promouvoir la dignité et la responsabilité des laïcs dans l’Église ; ayant volontiers recours à la prudence de leurs conseils, leur remettant avec confiance des charges au service de l’Église, leur laissant la liberté et la marge d’action, stimulant même leur courage pour entreprendre de leur propre mouvement» § 37.
 
Voilà donc quelques aspects majeurs des changements opérés par les Pères conciliaires concernant le mystère de l’Église. Ces changements ne font que retrouver les intuitions de l’apôtre Paul en particulier dans l’allégorie du corps.
 
3- L’allégorie du Corps du Christ
Il me semble que la théologie développée dans la Constitution sur l’Église est pleinement contenue dans ce passage bien connu de la 1ère lettre de Paul aux chrétiens de Corinthe, chapitre 12 avec l’allégorie du corps.
D’ailleurs, dans son premier chapitre sur le mystère de l’Église, la Constitution développe longuement le texte de Paul. Elle en souligne les éléments essentiels : c’est le baptême qui est le fondement de la participation au corps du Christ : « Dans ce corps, la vie du Christ se répand à travers les croyants que les sacrements, d’une manière mystérieuse et réelle, unissent au Christ souffrant et glorifié. Par le baptême, en effet, nous sommes rendus semblables au Christ : « Car nous avons tous été baptisés en un seul Esprit pour n’être qu’un seul corps » (1 Co 12, 13). Seul le Christ est la tête de ce corps : « De ce corps le Christ est la tête. Il est l’image du Dieu invisible et en lui toutes choses ont été créées. Il est antérieur à tous et l’univers subsiste en lui. Il est la tête du corps qu’est l’Église».
Enfin la Constitution affirme et l’unité du corps et la diversité des fonctions sous l’action d’un unique Esprit : «Dans son corps, c’est-à-dire dans l’Église, il dispose continuellement les dons des ministères par lesquels nous nous apportons mutuellement, grâce à sa vertu, les services nécessaires au salut, en sorte que, par la pratique d’une charité sincère nous puissions grandir de toutes manières vers celui qui est notre tête (cf. Ep 4, 11-16 grec) Pour que nous puissions nous renouveler en lui sans cesse (cf. Ep 4, 23) , il nous fait part de son Esprit qui, unique et présent, identique à lui-même dans la tête et dans les membres, vivifie le corps entier, l’unifie et le meut, si bien que son action a pu être comparée par les saints Pères à la fonction que remplit dans le corps humain, l’âme, principe de vie»
Cette unité est telle que tous les membres ont la même dignité et qu’il n’y a aucune supériorité entre les membres du corps du Christ. Dans la parabole du corps, saint Paul ne parle à aucun moment de hiérarchie et même il dit que les parties du corps «qui passent pour les moins respectables, c’est elles que nous traitons avec le plus de respect». Ceci est réaffirmé dans le chapitre sur les laïcs : «Commune est la dignité des membres du fait de leur régénération dans le Christ ; commune la grâce d’adoption filiale ; commune la vocation à la perfection ; il n’y a qu’un salut, une espérance, une charité indivisible. Il n’y a donc, dans le Christ et dans l’Église, aucune inégalité qui viendrait de la race ou de la nation, de la condition sociale ou du sexe, car « il n’y a ni Juif ni Grec, il y a ni
esclave ni homme libre, ni homme ni femme, vous n’êtes tous qu’un dans le Christ Jésus » (Ga 3 ; 28 grec ; cf. Col 3, 11)» § 32.
Ainsi l’allégorie du corps du Christ développée par Saint Paul modifie radicalement notre vision de l’Église : celle-ci n’est pas d’abord définie par ses fonctions diverses, indispensables comme dans les divers membres d’un corps, mais elle est d’abord une unité fondée sur l’action de l’Esprit Saint, âme et vie du corps, avec comme tête le seul Christ et Seigneur. Et comme le rappelle la Constitution citant Saint Paul, nous formons un seul corps composé de plusieurs membres qui n’ont pas tous la même fonction, mais nous sommes liés les uns aux autres comme les membres d’un même corps. C’est ce qu’affirme Paul dans sa lettre aux Romains : «En effet, comme nous avons plusieurs membres en un seul corps et que ces membres n’ont pas tous la même fonction, ainsi à plusieurs, nous sommes un seul corps en Christ, étant tous membres les uns des autres, chacun pour sa part. Et nous avons des dons qui diffèrent selon la grâce qui nous a été accordée» Rm 12, 4-6.
 
4- Risque d’une conception païenne du sacré.
Le changement qu’opère le Concile dans la vision de l’Église de Jésus Christ touche une certaine conception du sacré. Je n’ai pas l’intention de faire un exposé sur le sacré, n’en ayant pas la compétence, je voudrais simplement souligner que des interprétations de la notion de sacré conduit à des positions, pour moi anti évangéliques et contraires à une saine théologie. La notion même de «sacré» comporte bien des ambiguïtés et elle peut être prise dans des sens différents. Un des sens est proposé par Mircea Eliade qui écrit à propos du sacré : « La seule chose qu'on puisse affirmer valablement, c'est qu'il s'oppose au profane» (Mircea Eliade, Traité d'histoire des religions, Paris, Payot, 1964, p. 12). Au plan anthropologique, le sacré désigne donc ce qui est mis en dehors des choses ordinaires, banales, communes ; il s'oppose essentiellement au profane, mais aussi à l'utilitaire. Dans cette perspective, le sacré implique une notion de séparation, on peut dire que certaines choses sont «sacrées» en ce sens qu’elles sont réservées à un usage rituel ou liturgique. Elles ont à être respectées mais sans idolâtrie.
Mais il est un autre sens du sacré, c’est l’ouverture à l’absolu, l’ouverture vers la transcendance. En ce sens aucune chose n’est sacrée. Dans la pensée chrétienne, seul l’homme créé à l’image de Dieu est sacré. Nous le chantons d’ailleurs : «Tout homme est une histoire sacrée : l’homme est à l’image de Dieu» («Que tes oeuvres sont belles» A 219). 
Si l’on transpose sur certains objets ou certaines catégories de personnes ce dernier sens du sacré, nous entrons dans une vision païenne qui est fondamentalement magique. Dans la pensée païenne, les éléments du sacré sont considérés comme intouchables : leur manipulation, même en pensée, doit obéir à certains rituels bien définis. Ne pas respecter ces règles, voire agir à leur encontre, est généralement considéré comme un péché, un crime réel ou symbolique : c'est ce qu'on nomme un sacrilège. Le pire des sacrilèges est la profanation consistant en un mélange réel ou symbolique d'éléments du sacré avec des éléments du profane, d'une façon qui n'est pas prévue par les règles et rituels du sacré ou qui va à leur encontre. Or l’Incarnation du Fils de Dieu a aboli cette vision magique du sacré en prenant la condition humaine ordinaire et en vivant selon les règles ordinaires de la vie des hommes de son époque.
Il convient donc d’être attentifs à ne pas se tromper de sens. Ainsi par exemple, le prêtre n’est pas sacré, il n’est ni «séparé» puisque Jésus n’a pas voulu l’être, ni  objet d’un «culte» quelconque puisque seul le Dieu invisible que Jésus nomme «son Père et votre Père» peut être adoré. Cela n’enlève rien ni à la grandeur de sa charge ni à la responsabilité qui est la sienne.
Par contre toute personne humaine est sacrée c’est-à-dire que que toute personne humaine a une ouverture vers l’absolu de Dieu étant à son image. Elle ne peut donc pas être «profanée» dans toutes les dimensions de sa vie, physique ou spirituelle.
Ceci a des conséquences importantes dans notre vie de prêtre. Il
conviendrait de ne pas utiliser ce mot «sacré» sans en préciser le sens. 


5- Les «charges» confiées au ministère ordonné.
Un mot que les charges confiées au ministère ordonné. Tout d’abord il convient de souligner que c’est l’évêque qui possède la plénitude du ministère ordonné : «Le saint Concile enseigne que, par la consécration épiscopale, est conférée la plénitude du sacrement de l’Ordre» (§ 21). Ceci veut dire que les autres ministères ordonnés le sont comme participation au ministère de l’évêque selon ce que l’évêque entend confier au prêtre ou au diacre. Ainsi le prêtre ou le diacre participe à une part du ministère épiscopal, de la charge de l’évêque. Entre parenthèse, le ministère diaconal est différent du ministère du prêtre, il participe à un d’autres aspects du ministère de l’évêque, il dépend directement non du prêtre mais de l’évêque et n’est pas ordonné pour suppléer à la pénurie des prêtres. Il conviendrait de réfléchir au ministère diaconal comme de qui le diacre dépend.
Un peu plus loin le même § 21 de la Constitution désigne ainsi la responsabilité épiscopale : « La consécration épiscopale, en même temps que la charge de sanctification, confère aussi les charges d’enseigner et de gouverner, lesquelles cependant, de par leur nature, ne peuvent s’exercer que dans la communion hiérarchique avec le chef du collège et ses membres». Ainsi la charge de l’évêque est de trois ordres : la sanctification, l’enseignement et le gouvernement. 
Notons déjà l’ordre dans lequel ces charges sont désignées. Ce n’est pas neutre. La sanctification du Peuple de Dieu est la charge première c’est-à-dire permettre à tous les chrétiens de grandir dans leur relation avec le Dieu de Jésus. Vient ensuite l’enseignement c’est-à-dire aider les chrétiens à grandir de façon de plus en plus juste, éclairée vers l’accomplissement de leur vie. Enfin la charge de gouvernement pour assurer que les deux premières responsabilités puissent s’exercer en vérité. Il s’agit donc d’un «service» en vue de promouvoir les deux autres charges confiées au ministère ordonné.
Cependant, la compréhension de cette mission du ministère ordonné demande des explications. La charge d’enseigner ne veut pas dire ni que l’enseignement autorisé concerne la totalité du savoir humain : il y a des domaines qui débordent les compétences de l’Église, ni que les ministres ordonnés sont les seuls compétents dans le domaine religieux. Par contre, cette charge leur demande d’une part de s’assurer que les chrétiens ont les moyens nécessaires pour connaître et approfondir leur foi et d’autre part de confirmer d’une manière autorisée ce qui est apporté par d’autres.
De même la charge de sanctification demande que le peuple chrétien ne soit pas sous-alimenté dans leur quête de Dieu et dans leur vie spirituelle. Pour donner un exemple, il ne me semble pas normal ni répondre à cette charge de sanctification que l’organisation actuelle du ministère ordonné (avec ses conditions inchangées : personnes de sexe masculin, célibataires, ordonnés certes pour toujours mais aussi avec un ministère à vie) empêche des communautés chrétiennes d’avoir accès aux sacrements qui pourtant sont indispensables ou du moins essentiels à la sanctification des chrétiens.
Enfin la compréhension de la charge de gouvernement demande elle aussi à être nuancée. Déjà, nous avons parlé de l’importance de la collégialité, de la dimension synodale de l’Église et du «sens des fidèles». Aujourd’hui, des théologiens peu suspect d’hérésie comme le Père Sesbouë pensent qu’il conviendrait de dissocier le rôle de «gouvernement» et le rôle de «communion» dans l’Église. Retrouver par exemple pour le gouvernement de l’Église, l’organisation en patriarcats tout en ayant l’évêque de Rome, le Pape pour assurer la communion entre tous les patriarcats.  Cette perspective n’est évidemment pas inscrite dans la Constitution sur l’Église, mais elle pourrait un jour modifier les relations avec l’orthodoxie comme aussi redonner aux synodes d’évêques leur pleine signification.

 

Conclusion.

La Constitution sur l’Église a marquée un tournant capital dans la conception de l’Église. Un chemin est ouvert. Il faudra bien le poursuivre pour répondre fidèlement à la volonté du chef de l’Église, le Christ Jésus.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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